Pour une définition de l'identité professionnelle de l'enseignant
16
En fonction de ce qui précède, on peut caractériser le processus de
constitution et de transformation de l'identité professionnelle de
l'enseignant comme un processus dynamique et interactif de construction
d'une représentation de soi en tant qu'enseignant, mû par des phases de
remise en question, générées par des situations de conflit (internes ou
externes à l'individu) et sous-tendu par les processus d'identisation et
d'identification. Il est facilité par des liens de contiguïté avec
l'autre et vise l'affirmation des sentiments de congruence, de
compétence, d'estime de soi et de direction de soi. Ce processus, qui
débute dès la formation du futur maître, mène à la construction et,
virtuellement, à la transformation de la représentation que la personne a
d'elle-même comme enseignant tout au long de sa carrière.
17
Ce
processus de construction identitaire se fonde à une conception de
l'identité professionnelle de l'enseignant. Pour la cerner, il faut
connaître les éléments qu'inclut la représentation de soi comme
enseignant. Si on se reporte au modèle, on peut voir que celle-ci est
tributaire à la fois de la représentation que l'enseignant a de lui,
comme personne, et de celle qu'il a des enseignants et de la profession.
Ces deux types de représentations recouvrent divers éléments qu'on peut
tenter de circonscrire, sans prétendre à l'exhaustivité.
18
La
représentation de soi comme personne se rapporte aux connaissances, aux
croyances, aux attitudes, aux valeurs, aux habiletés, aux buts, aux
projets, aux aspirations que la personne se reconnaît ou s'attribue
indépendamment de son contexte professionnel ou, à tout le moins, dans
un sentiment d'affirmation de sa singularité par rapport à l'imposition
de normes professionnelles.
19
Le deuxième type de
représentations porte sur les enseignants et la profession enseignante
ou, plus justement, sur le rapport que l'enseignant et le futur
enseignant entretiennent avec les enseignants et la profession
enseignante, lequel est constitué de divers éléments, soit le rapport au
travail, aux responsabillités, aux apprenants, aux collègues et au
corps enseignant ainsi qu'à l'école comme institution sociale. Dans le
débat actuel sur la professionnalisation de l'enseignement, ces
différents éléments confortent la conception de l'enseignement en tant
que profession requérant, entre autres, autonomie, réflexivité, et
compétence éthique. C'est ce que donne à voir un bref examen de ces
différents ordres de rapports.
Le rapport au travail
20
On
peut définir l'enseignant comme un professionnel de
l'éducation/apprentissage[3]. Les deux termes sont indissociables
puisque l'enseignant est un spécialiste des stratégies éducatives ayant
pour but de favoriser des apprentissages, voire la maîtrise même des
processus d'apprentissage chez l'autre. L'enseignement est un service
public, visant le bien-être de la collectivité en contribuant au
développement des personnes qui vont composer et gouverner la société de
demain, assurant ainsi sa pérennité, et idéalement, dans une société
démocratique, favorisant l'accès pour le plus grand nombre à une
meilleure qualité de vie. L'acte éducatif est par ailleurs un acte
complexe (Perrenoud, 1993; Conseil supérieur de l'éducation, 1991) –
complexe, réflexif et interactif selon les termes du Conseil supérieur
de l'éducation (1991) – requérant la maîtrise de plusieurs savoirs, tant
théoriques que pratiques, et de plusieurs habiletés. Savoirs
pédagogiques et didactiques, savoirs disciplinaires, connaissances dans
le domaine de l'évaluation des apprentissages, habiletés relationnelles,
sens de l'éthique en sont autant d'exemples. C'est d'ailleurs dans un
rapport de responsabilité, et ce, à plusieurs égards, que l'enseignant
assume sa fonction.
Le rapport aux responsabilités
21
L'enseignant est responsable, envers la société, de l'éducation de ses
membres. Il est imputable de ses actes. La notion d'imputabilité est
d'ailleurs de plus en plus présente dans nos sociétés utilitaristes, qui
malheureusement l'interprètent souvent de manière trop comptable. Car
si l'enseignant, et plus largement le système éducatif, doit rendre
compte de ses actes auprès du gouvernement, notamment en tant que
représentant de la société et bailleur de fonds publics, c'est surtout
en termes de qualité de la formation et d'aide à l'apprentissage qu'il
doit le faire, et non en termes de rentabilité, dans le vocabulaire
désormais passé dans le langage courant de rapports coût/production. La
responsabilité qu'il a envers la société doit au contraire l'amener à
réfléchir à sa fonction sociale et à l'orientation qu'il veut lui
donner. Dans cet acte de réflexion, il peut participer à la définition
ou redéfinition de sa profession, étant un acteur de la
professionnalisation et non un simple pion sur l'échiquier de sa mise en
place. Car la professionnalisation d'un métier est un processus
dynamique auquel participent les acteurs de la profession et non pas la
réitération en tous points conformes d'un modèle professionnel figé,
fermé (Anadón, 1999; Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier,
1999a). C'est le caractère réflexif de l'action éducative qui en fait
une profession et non un répertoire, souvent trop vite
institutionnalisé, d'actes entièrement définis.
22
La
responsabilité de l'enseignant s'exerce d'abord et avant tout à l'égard
de l'élève ou de l'étudiant. Il est responsable de la qualité de sa
formation et aussi d'un rapport avec lui dans lequel il n'abusera pas de
son pouvoir, que ce soit sur le plan intellectuel par l'endoctrinement,
entre autres, ou sur le plan affectif ou sexuel, par la séduction
(Gohier, 1999). Cette responsabilité de maître/adulte (ayant la maîtrise
de son savoir ou de son champ d'expertise), l'enseignant ne peut
l'exercer que s'il est un véritable éducateur qui se soucie du
développement global de la personne. Il ne peut l'avoir que s'il
assortit son action pédagogique de considérations d'ordre éthique et
déontologique (Gohier, 1997a; Gaudreau, Turgeon, Garnier et Buissonnet,
1999).
23
La responsabilité de l'enseignant envers l'élève se
double de celle qu'il a envers le parent, tuteur de l'enfant,
responsabilité au sens de pouvoir répondre de ses actes envers les
parents lorsqu'ils le demandent. Il reste que c'est l'apprenant qui est
au coeur de l'action éducative.
Le rapport aux apprenants
24
Comme certains l'ont déjà dit, sous forme de boutade, la finalité
première de l'enseignant, comme spécialiste de
l'éducation/apprentissage, c'est sa disparition. Il peut considérer sa
tâche achevée lorsque l'élève est devenu suffisamment autonome pour
poursuivre un processus de formation continue, qui, on le sait, dure
toute la vie. Paradoxalement, c'est en instituant une relation de
qualité avec l'élève qu'il atteindra ce but, car l'action éducative
repose sur la relation pédagogique qu'entretient une personne avec une
autre afin de favoriser son développement. L'importance de cette
relation n'est plus à démontrer, même au début du troisième millénaire,
dans une société caractérisée par la mondialisation et la globalisation
des marchés et par la prépondérance des technologies de la communication
qui envahissent tous les domaines, y inclus celui de l'éducation. Tout
en préconisant une adaptation de l'éducation à cette «nouvelle
civilisation», à ce monde du virtuel, l'UNESCO reconnaît aussi la
prééminence de la relation pédagogique (Brunswick et Danzin, 1998).
25
Outre l'aspect affectif, cette relation met en jeu d'autres dimensions.
On oublie trop souvent de parler de la relation intellectuelle qui
s'instaure entre l'enseignant et l'élève. En donnant l'information
requise ou en l'orientant vers des pistes de solution ou vers les outils
nécessaires pour les trouver, l'enseignant permet à l'élève de retracer
la connaissance, voire de la réinventer, et, ultimement, de participer à
sa construction. En mettant en oeuvre un ensemble de savoirs,
disciplinaires, pédagogiques et didactiques, autant théoriques qu'issus
de la pratique ou de l'action (Tardif, 1993; Gauthier et al., 1997),
l'enseignant peut atteindre cet objectif, qui est en somme l'ultime
finalité de l'éducation.
26
On ne saurait non plus taire le rôle
de modèle que peut jouer l'enseignant pour l'élève. L'enseignant exerce
une inflluence sur l'élève par son comportement et par les valeurs
qu'il véhicule, même dans les pédagogies actuelles non directives ou
plus centrées sur l'élève. Davantage de cette manière, peut-être,
puisqu'il ne fait plus figure d'autorité absolue et extrinsèque, mais
plutôt d'accompagnateur sur les chemins du savoir, l'élève compagnon
risquant d'autant d'intérioriser les valeurs qu'elles lui semblent
intrinsèques, partie intégrante de son propre cheminement.
27
Mais bien que l'enseignant soit en dernière instance seul avec ses
élèves dans sa classe, il n'est pas l'unique acteur sur la scène de
l'éducation. Bien d'autres instances et bien d'autres personnes y jouent
un rôle important. Le ministère de l'Éducation, la direction de
l'école, les commissions scolaires, autant d'intervenants qui ont voix
au chapitre en ce qui concerne les orientations éducatives, les
programmes scolaires et la formation des maîtres. Mais, au quotidien,
c'est le rapport à la direction de l'école et aux collègues qui oeuvrent
dans son établissement qui sont au coeur de la vie professionnelle de
l'enseignant.
Le rapport aux collègues et au corps enseignant
28
Dans sa conception de la professionnalité enseignante, le Conseil
supérieur de l'éducation (1991) met l'accent sur cette caractéristique
du travail de l'enseignant, en optant pour un professionnalisme
collectif et ouvert qui fait appel «[...] à une ouverture de chaque
enseignant ou enseignante à la concertation avec ses collègues ainsi
qu'à la participation à la vie et aux orientations de l'établissement»
(p. 26). Outre le rapport privilégié avec certains collègues avec qui
les enseignants établissent des collaborations de travail (Gohier et
al., 1999b), cette collégialité s'est concrétisée par la mise en place
des conseils d'établissement (Harvey, 1999) issus de la réforme de
l'éducation préconisée par la ministre Marois (Gouvernement du Québec,
1997). L'enseignant entretient également des rapports avec l'ensemble de
ses collègues étant en lien avec des regroupements syndicaux et un
ordre professionnel. Le travail de collaboration qui en découle rejoint
cette autre dimension de l'identité professionnelle qu'est le rapport à
la société.
Le rapport à l'école comme institution sociale
29
Le projet éducatif est le lieu névralgique d'expression du mandat
social dévolu aux enseignants et de sa réappropriation par les acteurs
de l'éducation. L'enseignant participe à l'élaboration du projet
éducatif spécifique à son établissement, celui-ci s'insérant dans un
projet éducatif sociétal plus général, définissant les grandes lignes
directrices de l'action éducative. Se manifeste là un des éléments de
professionnalité de l'enseignant, dans sa participation à la formulation
des finalités éducatives qui vont se traduire par des plans d'action
spécifiques au sein de l'établissement dans lequel il oeuvre. Il est en
cela un partenaire, avec d'autres acteurs sociaux, dans la prise de
décision concernant les orientations éducatives à privilégier. Ainsi,
même s'il reçoit son mandat de la société, puisque la mission première
de l'enseignant est de former des citoyens conformes aux finalités
qu'elle met de l'avant, il contribue, en retour, à la redéfinition
constante de ce mandat.
30
L'examen des composantes de la
représentation de soi comme enseignant nous conduit à formuler la
définition de l'identité professionnelle de l'enseignant comme suit. Il
s'agit de la représentation que l'enseignant ou le futur enseignant
élabore de lui-même comme enseignant. Elle se situe à l'intersection de
la représentation qu'il a de lui comme personne et de celle qu'il a de
son rapport aux enseignants et à la profession enseignante. Cette
représentation porte sur les connaissances, les croyances, les
attitudes, les valeurs, les conduites, les habiletés, les buts, les
projets et les aspirations qu'il s'attribue comme siens. La
représentation qu'il a de son rapport aux enseignants et à la profession
enseignante porte sur son rapport à son travail, comme professionnel de
l'éducation/apprentissage, à ses responsabilités, aux apprenants, aux
collègues et autres acteurs impliqués dans l'école comme institution
sociale.
31
On peut par ailleurs se demander quelles qualités
ces diverses composantes de l'identité professionnelle requièrent de la
part de l'enseignant. C'est ce que nous examinons maintenant.
Les qualités requises de la part de l'enseignant
32
Le rapport à soi comme personne ou, en termes synthétiques, la
connaissance de soi requiert une capacité introspective qui demande une
mise à distance avec soi. Cette mise à distance est rendue possible
grâce à un esprit réflexif capable d'autoévaluation. La psychologie au
XXe siècle, de quelque allégeance qu'elle soit, l'a bien montré, la
connaissance de soi contre la tendance – naturelle et inconsciente – de
la personne à projeter sur l'autre ses propres manques et lacunes. Tous
les outils que nous a légués la psychologie, sans nécessairement entrer
dans une démarche thérapeutique, peuvent être utiles à cet exercice
«d'examen de soi», du simple regard introspectif à la narration
autobiographique. On retrouvera par ailleurs la composante «connaissance
de soi» décrite un peu plus loin.
33
Quant au rapport aux
enseignants et à la profession, on a vu qu'il comportait plusieurs
éléments. Il est difficile de mettre terme à terme les qualités requises
pour chacune de ces composantes, non pas parce qu'il est impossible de
les identifier, mais plutôt parce que plusieurs composantes font appel à
des qualités similaires. Aussi ferons-nous l'exercice, mais en
identifiant les recoupements possibles.
34
Dans la section
rapport au travail, nous avons vu que l'enseignant était un
professionnel de l'éducation/apprentissage et que l'enseignement était
un acte complexe, réflexif et interactif, ce qui se reflète dans les
autres composantes de l'identité, plus particulièrement dans le rapport
aux apprenants. L'enseignement requiert donc la maîtrise de nombreux
savoirs, dont plusieurs ont été mentionnés: savoirs disciplinaires,
pédagogiques et didactiques – d'ordre théorique et pratique – et
l'acquisition de plusieurs compétences, dont la capacité réflexive.
C'est en analysant constamment sa propre pratique, en ayant une distance
par rapport à celle-ci, et en la réajustant que l'enseignant exerce sa
fonction en qualité de professionnel. Cette capacité analytique se
double d'un sens praxéologique qui permet de faire le pont entre la
théorie et la pratique et d'effectuer des choix. Pour ce faire,
l'enseignant devra exercer son jugement. Hare (1993)[4] définit le
jugement comme la capacité d'évaluer de façon critique l'information
disponible, les raisons qui sont invoquées pour soutenir un point de vue
plutôt qu'un autre lors d'une prise de décision. Réflexion, analyse,
jugement sont donc nécessaires pour effectuer des choix proprement
éducatifs, qui ne reposent pas uniquement sur un rapport d'émotivité aux
événements et aux choses.
35
Ces compétences ou capacités ne
peuvent par ailleurs s'exercer sans l'autonomie de l'enseignant. Autant à
certains égards et dans une certaine mesure, il devra agir de concert
avec ses collègues, autant il doit pouvoir fonctionner de façon
indépendante, en prenant des décisions dont il assume la responsabilité.
Enfin, le réajustement constant de ses pratiques implique la capacité à
s'autoévaluer. Pour ce faire, il devra par ailleurs avoir une bonne
connaissance de soi, comme nous l'avons vu.
36
Dans la section
rapport aux responsabilités, on a vu que la responsabilité de
l'enseignant, en tant que professionnel, envers le public et en tant que
maître/adulte, envers l'enfant, devait s'exprimer, entre autres, par la
prise en compte de considérations d'ordre éthique dans l'exercice de sa
fonction. Pour ce faire, il doit avoir une connaissance des règles
déontologiques régissant sa profession. Ces règles, statuant sur les
devoirs du professionnel envers le «client» (respect, intégrité, etc.),
qu'elles soient codifiées par un ordre professionnel ou non, ne sont par
ailleurs pas suffisantes pour assurer une pleine compétence éthique
chez l'enseignant. Il faut d'abord et avant tout développer un sens
éthique chez celui-ci, soit une compréhension de l'importance de ces
questions dans l'exercice de ses fonctions. Si les règles déontologiques
stipulent les devoirs que l'enseignant a envers l'élève et envers sa
profession, elles ne circonscrivent en effet pas tout le domaine de
l'éthique qui englobe, de façon plus générale, la réflexion sur la
conduite humaine. Or, on le sait, toutes les conduites humaines ne sont
pas codifiées et ne doivent certainement pas l'être. En sus de sa propre
conduite, l'enseignant devra jauger celle de l'élève, qui devra parfois
être sanctionnée. Les situations qui appellent une réflexion d'ordre
éthique étant variées, il est important que l'enseignant développe une
capacité à réfléchir aux dilemmes d'ordre éthique qui se présentent, au
cas par cas, sous la forme de la délibération éthique, par exemple
(Racine, Legault et Bégin, 1991).
37
Dans la section rapport aux
apprenants, on a mentionné l'importance de la relation pédagogique,
qu'elle soit d'ordre intellectuel, affectif ou moral, au sens large du
terme, faisant référence à l'influence que peut exercer l'enseignant, en
tant que porteur de valeurs, sur l'élève, comme modèle – au sens fort
ou faible du terme. Pour instituer cette relation, l'enseignant devra
faire preuve d'une capacité relationnelle, soit être capable d'entrer en
relation avec l'autre. Cette capacité se manifeste par des qualités
d'empathie et d'écoute, comme l'ont fait valoir les pédagogues
humanistes, mais également par cette autre qualité qu'ils ont dénommée
congruence. Or, la congruence, comprise comme cohérence ou concordance,
chez un individu, entre le dire, le faire et le penser est impossible à
réaliser sans une bonne connaissance de soi, qu'on a vue dans la
composante représentation de soi. On rejoint ici également la capacité à
s'autoévaluer déjà relevée dans la section rapport au travail. Cette
connaissance de soi exige que la personne soit capable d'introspection,
et aussi qu'elle connaisse les mécanismes d'ordre psychologique qui
régissent les relations interpersonnelles, notamment ceux d'introjection
et de projection qui aident à faire le partage entre ce qui appartient à
soi et ce qui appartient à l'autre dans l'univers complexe de la
relation. Mais cette connaissance de soi ne devrait pas se limiter à la
dimension psychologique et affective de la relation pédagogique. Elle
devrait aussi toucher les dimensions intellectuelle et morale de la
personnalité, par une connaissance, d'une part, des capacités et des
limites intellectuelles de chacun et, d'autre part, des valeurs qu'il
véhicule souvent de façon implicite et qu'il doit rendre explicites.
Cette connaissance de soi facilitera d'ailleurs les relations qu'il
établira avec ses collègues.
38
En référence à la section Le
rapport aux collègues et au corps professoral, outre les compétences
relationnelles qui viennent d'être évoquées, l'enseignant devra posséder
un sens de la collégialité, de partage et de rapport avec ses
collègues, lequel sera généré entre autres par un sentiment
d'appartenance à ce groupe. Ce sentiment d'appartenance peut lui-même
être développé par la formulation d'objectifs communs dans le cadre du
projet éducatif, par exemple, mais également par l'exercice de la mise
en commun des pratiques pédagogiques aussi bien que des difficultés
rencontrées en situation d'enseignement. Cette mise en commun requiert
une compétence dialogique, à savoir une capacité à discuter avec ses
pairs et à arriver, lorsque cela est nécessaire, à des décisions
consensuelles. Cette collégialité se manifeste aussi par la capacité à
travailler en équipe sur des projets communs, d'ordre scolaire aussi
bien que parascolaire, comme on l'a relevé. Mais les collègues ne sont
pas les seuls acteurs de l'éducation avec qui l'enseignant doit engager
un dialogue. Il doit interagir avec tous les intervenants du monde de
l'éducation, au premier chef ceux qui ont un lien avec l'établissement
dans lequel il oeuvre.
39
À la section Le rapport à l'école
comme institution sociale, on a vu que le projet éducatif était le lieu
névralgique de la rencontre du mandat que la société donnait aux
enseignants et de leur participation à la définition ou redéfinition de
ce mandat. Pour pouvoir intervenir dans la formulation de ce projet,
l'enseignant doit avoir une connaissance des demandes sociales qui lui
sont adressées et, plus largement, de la culture dans laquelle s'insère
l'école, comme institution sociale. Ce n'est en effet qu'en connaissant
le contexte et les enjeux des demandes de la société envers l'école
qu'il pourra prendre des décisions éclairées sur les orientations
éducatives et pédagogiques à privilégier. Pour prendre part à cette
discussion, il lui faudra acquérir une compétence argumentative.
Pallascio, Angenot, Lafortune, Nachbauer et Gosselin (1999) insistent
sur l'importance, pour l'enseignant, de s'affirmer professionnellement,
c'est-à-dire de défendre ses choix, éventuellement par «l'expression
d'un engagement au service d'une situation problématique par laquelle le
pédagogue se sent rejoint et concerné, qui le pousse à assumer une
responsabilité, à l'exercer, à se compromettre, et qui devient ainsi
progressivement pour lui l'objet d'une véritable cause mobilisatrice»
(p. 60).
40
Les qualités identifiées ici peuvent être mises en
rapport avec deux éléments structurels essentiels au processus de
construction identitaire sur le plan professionnel, soit les mécanismes
d'identisation et d'identification. On retrouve en effet dans les
qualités énumérées la présence constante et concomitante de la
connaissance de soi et du rapport à l'autre. Une synthèse des qualités
énumérées, même si elle est réductrice, étaie ce constat.
• Rapport à soi: capacité introspective, réflexive, d'autoévaluation.
• Rapport au travail: savoirs, capacité réflexive, capacité à faire le
transfert entre la théorie et la pratique, capacité analytique, capacité
à faire des choix, jugement, autonomie, capacité à s'autoévaluer.
• Rapport aux responsabilités: connaissance des règles déontologiques, sens éthique, délibération éthique.
• Rapport aux apprenants: capacité relationnelle, empathie, écoute,
congruence, connaissance de soi, capacité introspective, connaissance
des mécanismes psychologiques, connaissance de ses capacités et limites
intellectuelles et de ses valeurs.
• Rapport aux collègues:
collégialité, sentiment d'appartenance au groupe, compétence dialogique,
capacité à travailler en équipe.
• Rapport à la société à travers
l'école: connaissance des demandes sociales, de la culture, capacité à
s'affirmer, compétence argumentative.
47
Sous chaque composante
se retrouvent des éléments qui font référence à la connaissance de
l'autre (élève, collègue, société) et à la capacité d'entrer en relation
avec cet autre (capacité relationnelle et dialogique entre autres) qui
a, en retour, des influences sur soi (culture, savoirs, demandes
sociales, appartenance au groupe). Ce rapport à l'autre fait aussi appel
au retour sur soi, à la connaissance de soi (capacité introspective,
valeurs, capacités et limites intellectuelles). Ceci vient conforter
l'idée que dans les éléments qui composent l'identité professionnelle et
qui concourent à sa construction, les pôles identitaires d'identisation
et d'identification sont présents. Autrement dit, les mécanismes de la
construction identitaire se reflètent dans les qualités requises dans
l'enseignement comme profession, ce qui conforte l'idée que l'identité
professionnelle ne saurait être uniquement une identité socialement
donnée (par le groupe des enseignants ou, plus largement, par la
société), mais est composé de ce qu'on peut appeler l'identité
personnelle (que la personne, s'attribue comme telle) et de l'identité
sociale de la personne et fait appel à des dimensions
psycho-individuelles et sociales dans sa constitution.
48
Ainsi,
le processus de construction de l'identité professionnelle, par la mise
en oeuvre conjuguée des processus d'identisation et d'identification et
du rapport dialectique à soi et à l'autre, est essentiellement de
nature dynamique et interactive. Son caractère dynamique est largement
tributaire des phases de crise et de remise en question vécues par les
enseignants. Cet aspect de la dynamique identitaire est illustré par
l'analyse d'entrevues faites auprès de deux groupes d'enseignantes.
Cheikh Tidiane Hanne chargé communication sels originel
"SERVIR LES ENSEIGNANTS ET NON SE SERVIR D'EUX"
Ce SITE EST EN PHASE DE CONSTRUCTION.MERCI DE REVENIR TRES PROCHAINEMENT
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